Il grogna doucement lorsque la vicomtesse s'échappa avec précaution de ses bras. Il n'étreignit que du vide, mais bien vite il replongea dans ses rêves qu'il avait eu fort agités cette nuit.
Le sommeil n'avait pas voulu d’elle et le jour se levait à peine quand elle sella Onyx.
Le palefrenier ronflait avec un bruit de crécelles et il n'entendit rien.
Un doigt sur la bouche, elle fit signe à sa monture de ne point hennir. Ces deux là étaient amis depuis si longtemps qu'ils se comprenaient. Il était son ami, son confident depuis ... ses quatorze printemps.
Kev, le lui avait offert !
kev !! Antoine, l'homme qu'elle aimait depuis si longtemps, connaissait leur histoire. Ils étaient amis et étaient hommes d'honneur, travailleurs acharnés tous les deux et toujours pour atteindre le même but; le bien être du comté. Bien peu pouvait se targuer de les imiter.
Elle venait d'apprendre ce qu'elle repoussait de toutes ses forces, ce qu'elle ne voulait surtout pas entendre : Elle ne serait, enfin, l'épouse d'Antoine que ... qui sait quand ? Il lui était difficile de souhaiter la disparition de celui, esprit borné à outrance, qui lui refusait de vivre ce jour tant et trop attendu.
Elle avait dit et re-dit qu'elle aurait la patience d'attendre, mais billevesées qu'elle racontait, elle n'en pouvait plus de cette situation.
Elle aimait cet homme depuis si longtemps ! Bien sur elle avait était courtisée, beaucoup, plus que raisonnablement, et son manque de tendresse de la part de l'homme dont elle avait divorcé, lui avait fait commettre des erreurs. Mais jamais son cœur n'avait trahi les profonds sentiments qu'elle ressentait pour l'homme qui deviendrait son époux.
Elle soupira plusieurs fois son nom :
Antoine ... oh ! Antoine, pourquoi nous faut-il encore attendre ? N'avons-nous pas payé cher le droit au bonheur ?
Onyx allait au gré de son bon vouloir. Il connaissait sa cavalière, quand elle était songeuse à ce point, peu lui importait l'endroit où il la menait, seul comptait le silence de la nature.
L'équin passait du pas, au trop, au galop, la vicomtesse, instinctivement laissait son corps s'adapter au nouveau rythme, elle se contentait de tenir les rênes lâches du bout des doigts.
La vue du grand miroir d'étain la fit sursauter.
Le lac ...
Sur un à peine audible claquement de langue, l'équin s'arrêta. Elle en descendit.
Ôtés chaussures et bas et robe largement retroussée, elle pénétra dans l'onde fraiche. Elle frissonna mais elle continua à avancer, puis s'arrêta l'eau lui frôlait le dessus du genou.
D'un vif mouvement de sa crinière de jais, elle fit s'envoler les souvenirs pour n'être que vivante juste à cet instant. Elle se remplie toute de la beauté de la nature qui renaissait à nouveau.
La-bas, le saule-pleureur faisait sa révérence à l'onde tranquille. Sa parure était encore bien légère ce qui permettait à Cae d'admirer les oiseaux qui sautillaient de branche en branche comme la recherche de celle qui serait leur paradis. Ils s'accompagnaient d'un chant frêle mais mélodieux.
Dans le ciel, quelques nuages blancs s'effilochaient lentement laissant au bleu toute la place.
Elle avança encore un peu.
Elle aurait pu se fondre toute entière dans l'eau, dans la nature, dans la terre mère de toutes choses.
Antoine ... Viens ... viens partager avec moi toutes ces merveilles.